La crèche provençale
Une coutume médiévale encore bien vivante. |
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Foires aux
santons dans toute la Provence dès la mi-Novembre (celle de Marseille date de plus de 150 ans !), expositions de crèches du monde entier
et meilleurs santonniers d’art de France à Sisteron, crèches
vivantes (à Aubagne), crèche au laser (à Allauch),
santons à l’effigie des gens du village (à Grambois), Route
des Crèches de Manosque à Esparron du Verdon et même
crèche contemporaine réalisée par un artiste niçois
… En ce mois de décembre, toute la Provence se prépare à
fêter Noël ! |
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Si
l’on ne sait pas exactement d’où vient le mot “crèche” - de
l’allemand “Krippe”, du provençal “grupi”, du patois “crupio” ? -
on peut cependant avancer que la tradition de la crèche est d’origine
médiévale, puisqu’elle aurait été inventée
par Saint François d’Assise en Italie au 13ème siècle,
avant de se répandre en Provence au début du 14
ème siècle.
De même les “santoni” (petits saints) italiens seraient devenus des
“santoun” provençaux en débarquant à Marseille. Venues
donc d’Italie, les premières crèches étaient à
l'origine destinées aux églises et constituées de personnages
fort simples faits de papier bouilli ou de plâtre, représentant
la Vierge et les Saints, le Pape ainsi que moines, évêques
et cardinaux.
C’est
à Marseille que la crèche devient “provençale” et
privée.
Très
vite, les provençaux s’approprient cette tradition étrangère,
en remplaçant les saints par des personnages plus proches d’eux,
figurant les personnages typiques de leurs villages : le Ravi et le voleur
d’enfants, l’Aveugle et son fils, Pistachié et Jiget (deux valets
de ferme destinés à faire rire), les Vieux assis sur leur
banc …
Sans oublier tous les petits métiers d’alors, le rémouleur
et le meunier, les bergers et le boulanger avec son panier de fougasses,
la marchande d’ail et la poissonnière, les valets de ferme portant
lanternes, le pêcheur avec son filet sur l’épaule, la femme
à la cruche remplie d’eau fraîche …
Pendant longtemps
exposée dans les églises, la crèche provençale
entre dans chaque foyer à la fin du 18ème siècle. Quand
à la période de la Révolution, la messe de minuit et
la crèche furent interdites, les
Marseillais prirent l’initiative d’installer des crèches privées
… à
leur domicile.
C’est
d’ailleurs également à un Marseillais, Jean-Louis Lagnel,
que l’on doit le premier santon en argile, aux alentours de 1800 - jusqu'alors,
les personnages avaient été fabriqués en bois, cire,
verre ou faïence. Et c’est aussi à Marseille que se tint la
première foire aux santons, au milieu du 19ème siècle.
Une foire qui existe encore aujourd’hui, de même que c'est toujours
à partir d'une poignée d'argile rouge que le santonnier modèle
et sculpte le corps, les vêtements et les accessoires qui personnalisent
chaque santon, qui sera ensuite séché, cuit au four et peint
à la gouache.
Aubagne,
ville natale de Marcel Pagnol et capitale des santons.
Outre ces
santons d'argile, il est de tradition également de fabriquer des
santons "habillés" généralement plus grands
et plus haut de gamme, comme ceux de Raymond et Sylvette Amy, artisans
à Aubagne depuis 1966 : pendant que Raymond modèle et sculpte l'argile pour lui donner la forme d'un corps et l'expression délicate d'un visage, Sylvette
découpe, taille, coud les tissus pour créer les costumes
provençaux, à la mode du 19ème siècle, qui
vont habiller les santons.
C’est d’ailleurs Aubagne qui est devenue la “capitale” du santon en Provence,
grâce au savoir-faire ancestral de ses maîtres santonniers.
Les plus anciens ateliers, réhabilités en 1995, existent
toujours sous l’appelation "Ateliers Thérèse Neveu".
Née en 1866 d'une famille de céramistes, Thérèse
Neveu vécut à Aubagne où cette “grande dame de l’argile”
fut la première à exercer le métier de “santonnier”,
inventait la technique de la cuisson des pièces qui, jusque là,
étaient crues et séchaient au soleil, et “santonnifiait”
les notables de sa ville.
C’est à
Aubagne encore qu’a lieu chaque année une Foire aux santons et
céramiques, où vous pouvez admirer une crèche géante,
œuvre collective des santonniers aubagnais comptant plus de 150 sujets,
sans oublier, tous les deux ans, une Biennale de l'art Santonnier (la
prochaine aura lieu en 2004). |
Trois
crèches contemporaines originales : |
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La crèche de Patrick Moya, galerie Ferrero à Nice.
Patrick
Moya est un artiste niçois talentueux qui joue avec les
quatre lettres de son nom et se représente partout dans son oeuvre,
sous les traits d’un petit personnage de BD, hybride entre son auto-portrait
et Pinocchio.
Pour Noël 2003, il présentait, pour animer la vitrine de la
galerie d’art Ferrero (célèbre à Nice pour défendre
depuis 30 ans l’École de Nice), une crèche à sa manière.
Réinterprétée par Patrick
Moya, la crèche
devient une oeuvre d’art composée d’un somptueux décor peint
aux couleurs du sud (ciel bleu et pins parasol) et d’une multitude de
petits “santons” découpées dans du bois et enduits de gouache,
qui représentent, toujours sous les propres traits de l’artiste
- aussi bien les traditionnels rois mage, boeuf et âne, bergers
et Ravi que des personnages d’aujourd’hui comme l’homme d’affaires et
l’ouvrier, le photographe et le peintre avec son chevalet, le musicien
et le cuisinier avec sa casserole fumante, le Diable et son avocat, l’écolier
et son bonnet d’âne, sans oublier les anges et les ours en peluche
rose …
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La crèche de Pierre Graille à Grambois.
C’est
à Grambois, dans le Vaucluse, que le célèbre santonnier
Pierre Graille reproduit depuis des années les gens de son village,
aussi bien que des célébrités comme François
Mauriac ou Paul Préboist … sous la forme de statuettes finement
modelées et sculptées et habillés en costumes d'époque.
Chaque année, la crèche de Pierre Graille, qui n’est pas
pour rien “meilleur ouvrier de France”, est autant l’oeuvre d’un sculpteur
et d’un céramiste que d’un santonnier : à ne pas manquer
!
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Grands acteurs “santonnifiés” par Daniel Scaturro à Aubagne.
Tombé
dans l’argile quand il était petit, puisque son père Joseph
fabriquait des crèches, Daniel Scaturro, né à Aubagne en 1954, est aujourd’hui réputé pour sa gamme de santons
qui va des figures classiques de la nativité jusqu’aux personnages
de films en passant par les représentations individuelles, à
la commande, d’après photo.
Élu
Meilleur ouvrier de France en 1997, il exécute un travail tout
en minutie. où il s’attache à retranscrire le moindre détail
pour donner à ses "santouns" un peu plus de vie, et d’âme,
avec un réalisme stupéfiant.
Vous admirerez en particulier “le Papet” incarné par Yves Montand,
Don Camillo joué par Fernandel ou encore la fameuse " Partie
de cartes " issue du film "Marius" de Marcel Pagnol. Mais
aussi Jean Gabin, Louis de Funès, Pierre Tchernia, Marcel Pagnol
…
Sans oublier un président de la République, Jacques Chirac,
qui a été “santonnifié” par le Maître!
Visitez son petit musée, créé en 1989, où
vous découvrirez plusieurs grandes crèches dont certaines
renferment des santons datant du tout début du siècle et
furent fabriqués par Thérèse Neveu. |
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